Mardi 14 janvier, à l’occasion de sa conférence de presse, le Président de la République a répondu à une journaliste qui l’interrogeait sur sa rencontre du 24 janvier avec le pape François : « Je pense que le Pape peut être utile sur certains sujets « .
A courte vue, la formule peut sembler pour le moins curieuse, voire maladroite. Et pourtant, elle ne manque pas de profondeur historique ! Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que François Hollande fait de « l’ecclésiologie implicite ». Reste à savoir si, comme Monsieur Jourdain et sa prose, il le fait sans le savoir…
Invité à réagir à la nouvelle inattendue de la renonciation du pape Benoit XVI, il avait répondu : « Nous ne présentons pas de candidat ». Cette répartie avait été reçue par beaucoup comme une petite blague un peu leste. Elle avait pourtant un écho particulier dans la bouche du chef de l’État français, car il n’en a pas toujours été ainsi, loin s’en faut ! Longtemps, les souverains d’Europe ont tenté de peser sur la désignation du Souverain Pontife, par le biais des cardinaux qui les représentaient. C’est d’ailleurs pour garantir son indépendance à cet égard que l’Église a supprimé officiellement en 1917 la possibilité de cardinaux laïcs, que d’aucuns rêvent de rétablir aujourd’hui…
Ainsi donc, le pape apparaît « utile » au Président de la République, car « c’est une grande autorité morale».
Et M. Hollande de préciser les dossiers sur lesquels l’appui du pape pouvait être « précieux » à ses yeux : la recherche d’une solution politique en Syrie, les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens, ou encore la préparation de la Conférence mondiale sur le climat, prévue en 2015 à Paris.
Cette vision de l’utilité du pape s’inscrit dans un débat, particulièrement fourni au XX° siècle, quelque part entre Staline et Paul VI : Staline à qui on attribue en 1945 la fameuse répartie « le pape, combien de divisions ?» et Paul VI, se présentant en « expert en humanité » à la tribune de l’ONU, en 1965. L’ironie condescendante de Staline s’est brisée sur la réalité de l’Histoire et notamment sur celle du pontificat de Jean-Paul II dont chacun sait le poids décisif dans la chute de l’empire soviétique. Mais c’est une chose de lire a posteriori l’influence d’un pape dans le cours de certains événements, c’en est une autre d’accorder un crédit moral toujours actuel à ses successeurs. Il faut donc se réjouir de ce climat d’estime, très éloigné de celui qui prévalait au début des rapports entre la République et le pape :
un simple regard sur certains dessins de presse de l’époque suffit à mesurer le chemin parcouru !
Reste une question : la République est-elle toujours prête aujourd’hui à accorder à l’Église en France le même crédit moral que celui qu’elle reconnaît à l’évêque de Rome ? Les catholiques de France sont-ils reconnus comme « utiles » pour les multiples défis qui se présentent à la société française ? Le Président a eu sur ce sujet aussi quelques paroles apaisantes lors de sa conférence de presse.
Mais beaucoup de catholiques ont par ailleurs le sentiment que des signaux contraires ont été émis ces derniers mois.
Notons que c’est à nous d’abord de faire la preuve de notre « utilité » : c’est justement lorsqu’elle semble contestée par certains que nous devons redoubler de générosité dans nos engagements de toute sorte.
Espérons en tout cas que sur ce plan aussi, la rencontre entre François Hollande et le pape François puisse être « utile » !
P. Bruno VALENTIN+