formation-liturgique-Avent2017

« Qui regarde vers Lui resplendira »

 

Ouvrir notre regard pour contempler Dieu dans la liturgie

Aimez-vous le théâtre ? Y voir les décors, les acteurs, la mise en scène, le public ?… un peu ce que nous voyons à la messe ? Pourtant « On ne va pas à la messe pour assister à une représentation. On y va pour participer au mystère de Dieu » rappelait récemment le Pape. Il y a en effet une différence essentielle, au théâtre les acteurs entrent pour un temps dans la peau d’un personnage, mais à la messe on ne fait pas semblant, l’action est réelle, l’acteur c’est le Christ et il n’y a pas des spectateurs mais une assemblée qui participe à l’action, nous l’avons vu la semaine dernière. Tout ce que nous voyons est réel.
 
D’ailleurs que voit-on pendant la messe ? Je vois la Croix, elle n’est pas qu’un instrument de torture, mais le signe parfait de l’amour du Fils pour le Père et de Dieu pour nous. Je vois bien une table recouverte d’une nappe, mais elle ne sert pas qu’à déposer du pain et du vin, elle est l’autel, c’est-à-dire le lieu où, traditionnellement, l’homme offre un sacrifice pour rencontrer Dieu. Pour nous, Chrétiens, le point de cette rencontre définitive entre l’homme et Dieu, c’est le Christ vrai homme et vrai Dieu ; c’est pourquoi l’autel est le symbole de la présence du Christ devant lequel nous nous inclinons et que les célébrants vénèrent par un baiser. La lumière ne sert pas qu’à éclairer, elle est la lumière du Christ vivant. Le vêtement que porte le prêtre ne sert pas qu’à le réchauffer, ou l’embellir, il indique que c’est le Christ qui agit dans le célébrant. Et sa couleur rend visible le sens  spirituel du temps liturgique. Aujourd’hui par exemple, 3ème dimanche de l’ Avent, dimanche du gaudete, il est d’un beau rose parce que le violet de l’Avent, temps de pénitence, s’éclaircit exceptionnellement en signe de la joie de la fête de Noël qui s’annonce. Et, vous le voyez, cette même couleur se retrouve au voile qui revêt l’ambon, lieu de la Parole de Dieu.
Nous ne sommes pas de purs esprits, nous ne pouvons célébrer qu’avec la réalité concrète du monde où nous sommes, parce que c’est dans ce monde-là que le Christ vient nous rencontrer. Pour célébrer, nous avons besoin de voir : des personnes, des objets, des couleurs …. L’importance de notre regard est d’ailleurs soulignée depuis la réforme liturgique issue de Vatican II qui insiste sur le fait que tous les fidèles puissent voir l’ensemble des rites sacrés. Ces objets que nous voyons sont des symboles, c’est-à-dire qu’ils ont plusieurs niveaux de signification. Ils peuvent ainsi nous faire passer du concret à l’abstrait, d’une réalité, la table par exemple, à une autre réalité qui lui est liée : l’autel du sacrifice, puis encore une autre : le Christ.
Ainsi la liturgie vise à rendre visible l’invisible. Sa finalité est de contempler Dieu tel qu’il est. Contempler ce n’est pas voir qu’avec ses yeux de chair, d’ailleurs Dieu, personne ne l’a jamais vu, il a même révélé à Israël que nous ne pouvons le voir sans passer par la mort. Cependant « qui m’a vu a vu le Père»  (Jn 14,9) dit Jésus. Lui seul peut nous montrer le Père. Finalement, ce que montrent les nombreux signes liturgiques qui nous entourent c’est une présence, celle du Christ qui est bel et bien là dans la liturgie, puisqu’il y agit. Ce n’est pas,  bien sûr, le Jésus de Galilée qui est présent, c’est le Christ ressuscité qu’on ne voit pas avec nos yeux humains car il est dans une autre condition d’être. L’Église nous rappelle que cette présence s’effectue selon quatre modes : dans l’assemblée des fidèles réunis en son nom, dans la personne du ministre, dans la Parole, et de manière unique dans les espèces eucharistiques. Si vous y prêtez attention, vous verrez d’ailleurs que ces différents modes sont soulignés par le geste de l’encensement qui vient honorer le Christ présent et nous invite ainsi à voir au-delà des apparences.
Nous avons évoqué la semaine dernière ce qu’était la participation active à la communion. Avec l’aide de l’Esprit cette participation vise à nous laisser conduire vers le Père à la suite du Christ, et cela ensemble. C’est par notre baptême que chacun de nous est devenu membre du corps du Christ, cependant l’Église n’est pas la somme des baptisés mais leur vie en communion. C’est l’un des buts premiers de l’Eucharistie que de favoriser l’unité du Corps du Christ, c’est cette unité qui est signe de sa présence dans l’assemblée. C’est pour elle que prie Jésus avant son arrestation (Jn 17, 23) : « Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » Mais un corps ne peut exister sans tête, et c’est ce que signifie le prêtre. C’est le Christ qui préside la liturgie, et le prêtre manifeste cette présidence par le sacrement qu’il a reçu. Il ne célèbre pas au nom du Christ, mais in persona christi, c’est-à-dire en lieu et place du Christ. Ainsi, dès la procession d’entrée, nous pouvons voir que le Christ est présent, dans l’assemblée, dans le prêtre, et tous nous sommes tournés vers l’autel, symbole de ce Christ qui nous rassemble.
Près de l’autel nous voyons l’ambon, le meuble réservé à la Parole de Dieu. C’est le Christ qui y parle à son peuple lorsqu’on lit et explique les Écritures. Nous le reconnaissons en proclamant « louange à toi Seigneur Jésus » à la fin de la lecture de l’Évangile. Écouter le Seigneur parler va nous aider à ouvrir nos yeux, c’est très important, cela fait partie du chemin qu’il faut suivre pour le voir dans l’Eucharistie. Nous sommes dans la situation des disciples d’Emmaüs, leur cœur est tout brulant quand ils écoutent le Ressuscité, et c’est la parole qu’ils reçoivent qui leur permet de trouver du sens à ce qu’ils viennent de vivre et de reconnaitre le Christ dans la fraction du pain.
C’est en effet là qu’est le quatrième mode de présence du Christ, dans les espèces eucharistiques, c’est une présence sacramentelle, le Christ est réellement là parce qu’il fait ce qu’il dit : « ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Et là encore il n’y a rien de magique. Le Christ ne s’enferme pas dans le pain et le vin, mais ce sont le pain et le vin, nourriture de base de l’homme, nourriture qu’on partage, qui sont ouverts à sa présence, toujours donnée. Le pain qui fait vivre nos corps de chair devient par la consécration nourriture qui fait vivre de la vie éternelle. Et cette nourriture que nous partageons devient une relation avec le Seigneur qui est là mais que nous ne pouvons saisir, nous devenons nous-même le Corps du Christ.
La contemplation est l’accomplissement de la liturgie, mais nous sommes encore dans la nuée, nous savons en effet par Moïse qu’il faut mourir pour voir Dieu. Dans la liturgie notre regard va être préparé par l’écoute pour devenir regard de foi, pour voir l’invisible derrière les signes visibles, jusqu’à s’ouvrir devant ce geste qui assume toute notre vie: « ils le reconnurent à la fraction du pain ».

Nicole Blin

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