Nous aimerions cette année, avec l’Équipe d’Animation Pastorale (EAP), vous proposer d’approfondir ce beau thème de l’Espérance. Dans les tempêtes qui secouent notre monde et agitent notre Église, face à ce recul de la foi dans notre pays, nos villes et parfois nos familles, à travers la nuit qui semble à certains moments recouvrir nos âmes, il y a comme une urgence de redécouvrir cette vertu de l’Espérance. Pour la vivre et pour en témoigner. Pour que notre nouvelle église en soit un signe magnifique pour tous.
Cette Espérance n’est en aucune façon une fuite du réel par un optimisme béat ou naïf : l’Espérance s’ancre dans le réel que nous regardons en face. Face à ce réel, elle nous demande le courage de renoncer aux faux espoirs, aux illusions de puissance, aux réussites trop humaines, à l’idée même que nous pourrions réussir sans Dieu. Il nous faut nous dépouiller de tout cela – et c’est sans doute ce à quoi notre époque nous invite – pour demander et accueillir le don de l’Espérance, cette « vertu théologale par laquelle nous désirons comme notre bonheur le Royaume des cieux et la Vie éternelle, en mettant notre confiance dans les promesses du Christ et en prenant appui, non sur nos forces, mais sur le secours de la grâce du Saint-Esprit » ( CEC n°1817).
Voilà ce que nous avons à vivre et à offrir au monde : le bonheur, oui mais celui que Dieu promet. C’est-à-dire le Ciel et dès maintenant, la Vie éternelle : une vie pleine, accomplie, donnée, féconde, une vie en amitié avec Dieu et en sa présence, que la mort ne pourra détruire. Au cœur de la nuit, tel le veilleur, tenons dans l’Espérance, car Dieu lui tient sa promesse. L’aube vient et Dieu est à l’œuvre pour sauver ce monde. On ne craint plus la nuit ! Avec persévérance, courage et générosité, on prie, on aime, on sert, on construit, on annonce l’aube du Salut dans l’attente qu’elle se lève. C’est notre mission, et elle fera notre joie.
Quelques citations :
« Dieu s’est ainsi engagé doublement de façon irrévocable, et il est impossible que Dieu ait menti. Cela nous encourage fortement, nous qui avons cherché refuge dans l’espérance qui nous était proposée et que nous avons saisie. Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme » (He 6, 18-19)
« Continuons sans fléchir d’affirmer notre espérance, car il est fidèle, celui qui a promis. Soyons attentifs les uns aux autres pour nous stimuler à vivre dans l’amour et à bien agir. Ne délaissons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons-nous, d’autant plus que vous voyez s’approcher le Jour du Seigneur » (He 10,23-25)
« Sans doute se répétaient-ils l’un à l’autre, ces moines gardiens de l’espérance du monde, la question inquiète qu’on posait au prophète Isaïe : « Veilleur, où en est la nuit ? ». Conscients d’être des sentinelles, ils pouvaient regarder la nuit sans effroi, parce qu’ils avaient au fond d’eux-mêmes assez de lumière pour ne pas douter de l’existence du matin. Sans le savoir, souvent, notre monde nous pose la même question. « Veilleur, où en est la nuit ? ». Il nous interroge sur notre espérance, et il n’attend pas de nous des discours lénifiants, des théories rassurantes qui prouveront que tout ira mieux demain ; le monde attend de nous que nous vivions dans l’espérance, c’est-à-dire que nous vivions pour l’éternité, que nous vivions pour ce qui compte vraiment et ne passera jamais. » Frère Adrien Candiard – « Veilleur, où en est la nuit. Petit traité de l’espérance à l’usage des contemporains » Ed. du Cerf. (Un livre que je vous recommande à pour cette année !)
« Qui n’a pas vu la route, à l’aube entre deux rangées d’arbres, toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c’est que l’espérance. L’espérance est une détermination héroïque de l’âme, et sa plus haute forme est le désespoir surmonté. On croit qu’il est facile d’espérer. Mais n’espèrent que ceux qui ont eu le courage de désespérer des illusions et des mensonges où ils trouvaient une sécurité qu’ils prennent faussement pour de l’espérance. L’espérance est un risque à courir, c’est même le risque des risques. L’espérance est la plus grande et la plus difficile victoire qu’un homme puisse remporter sur son âme…
On ne va jusqu’à l’espérance qu’à travers la vérité, au prix de grands efforts. Pour rencontrer l’espérance, il faut être allé au-delà du désespoir. Quand on va jusqu’au bout de la nuit, on rencontre une autre aurore. Le démon de notre cœur s’appelle « À quoi bon ! ». L’enfer, c’est de ne plus aimer. Les optimistes sont des imbéciles heureux, quant aux pessimistes, ce sont des imbéciles malheureux. On ne saurait expliquer les êtres par leurs vices, mais au contraire par ce qu’ils ont gardé d’intact, de pur, par ce qui reste en eux de l’enfance, si profond qu’il faille chercher. Qui ne défend la liberté de penser que pour soi-même est déjà disposé à la trahir.
Si l’homme ne pouvait se réaliser qu’en Dieu ? si l’opération délicate de l’amputer de sa part divine – ou du moins d’atrophier systématiquement cette part jusqu’à ce qu’elle tombe desséchée comme un organe où le sang ne circule plus – aboutissait à faire de lui un animal féroce ? ou pis peut-être, une bête à jamais domestiquée ? Il n’y a qu’un sûr moyen de connaître, c’est d’aimer.
Le grand malheur de cette société moderne, sa malédiction, c’est qu’elle s’organise visiblement pour se passer d’espérance comme d’amour ; elle s’imagine y suppléer par la technique, elle attend que ses économistes et ses législateurs lui apportent la double formule d’une justice sans amour et d’une sécurité sans espérance. »
Georges Bernanos