Journal de bord
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[tab title= »Quitte ton pays« ]
Voir
Samedi 8 novembre, 3h30 des silhouettes furtives se glissent le long de l’église Saint Martin .
Le réveil a été dur après une nuit courte, mais les visages sont souriants.
Premier embarquement dans le bus : s’ajoutent à nos bagages les livrets du pèlerin préparés avec des textes d’Évangile et avec les intentions de prière.
Second arrêt sur le parking de Voisins. Personne ne manque, tout le monde est à l’heure
Dès le démarrage du bus, le Père Guy annonce « Nous ne sommes pas des touristes ni des voyageurs mais des pèlerins ! »
et d’entonner : « Allons tous ensemble vers la montagne de Dieu le Seigneur nous rassemble pour louer son nom ! »
4h matin, les rues sont vides, l’A12 aussi, et l’A13 idem ! Du jamais vu pour nous.
A l’aéroport de Tel-Aviv, nous endossons notre habit de pèlerin :
Gen 12,1 « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton
père pour le pays que je t’indiquerai »
Nous traversons la plaine de Shephela où David a vaincu Goliath parce qu’il mettait toute sa confiance en dieu ((1Samuel17,1-57).
C’est la même confiance qui pousse Abraham à quitter ses attaches sur une promesse pour arriver à Béer sheva.
Dieu appelle avec une logique qui n’est pas celle des hommes.
Sachons lui faire confiance même dans nos fragilités.
Rencontrer
De l’effet inattendu de la distribution de magnificat !
Au poste de contrôle de sécurité l’agent est devant son ordinateur qui scanne les bagages.
Elle dit en nous voyant passer avec un stock de magnificat « J’ai besoin que quelqu’un prie pour moi ».
Prier
On lui répond en cœur bien sur on va le faire ! et Christine lui donne un magnificat.
Elle est alors tellement contente qu’elle se lève immédiatement, elle fait le tour de tout le poste de contrôle pour venir vers nous, embrasse Christine avec fougue et revient à son poste en expliquant qu’elle a un cousin prêtre qui lui avait montré le magnificat du mois.
Nous penserons donc a Chantal dans nos prières.
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[tab title= »Va au désert« ]
« Seigneur avec toi nous irons au désert, poussés comme toi par l’Esprit »
Réveil à 6h dans le désert du Neguev, Kibboutz Mashabei Sadé, (imaginez les bungalows d’un village de vacances !) premiers regards du matin : on est vraiment dans le désert ! même s’il est très « maitrisé » par l’homme (pelouse, plantations, musée en plein air de récupération de la civilisation moderne (machine à écrire, mixers, bouilloire, radio, vieux tracteur..), lumières, sièges et tables devant chaque chambre.
Désert, lieu d’errance, encore habité par les bédouins, parfois ponctué d’oasis créées par l’homme.
« C’est pourquoi je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur »(Osée..)
Cette phrase, entendue dans les gorges d’Ein Avdat où l’on est saisi par la beauté et la grandeur du site, prend un sens nouveau.
Nous comprenons l’amour charnel qui existe entre Dieu et son peuple.
« Je te fiancerai à moi pour toujours et dans la fidélité ».
Les bouquetins qui nous entourent nous aident à nous replonger dans le Cantique des Cantiques et nourrissent notre imaginaire (Ct 2,8).
Être dans le désert c’est ressentir combien l’homme dépend de son créateur, combien la manne vient le nourrir.
Lieu de la tentation, éprouvée aussi par Jésus lui-même, mais avant tout lieu où Dieu nous rejoint, dans la méditation silencieuse, au fond de notre coeur pour y enlever le mal.
A 11h de votre heure, à Avdat, dans une église byzantine dont seuls subsistent quelques murs, datant du VIè siècle, sous un soleil de plomb et un ciel bleu profond, nous célébrons l’eucharistie. La prière universelle est très nourrie par les intentions qui nous ont été confiées, avec un accent particulier pour la construction du nouveau centre paroissial de Montigny-Voisins.
Rencontre :
Ce soir, temps d’échange avec un jeune égyptien copte, Sameh, guide stagiaire, qui nous accompagne depuis Paris. Il nous fait découvrir la religion copte orthodoxe et porte un regard frais et spontané sur la religion catholique française qu’il juge très « light » comparé aux 4h de leur messe hebdomadaire.
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[tab title= »Qui cherches-tu?« ]
Archéologie, fouilles, Massada, Qumran, Jéricho… c’est frappant de constater l’ampleur des fouilles menées dans ce pays et le nombre de sites concernés.
En même temps nous voilà au cœur de flots de touristes chinois, russes, brésiliens, indiens…
Massada
Massada, un mont qui surplombe la Mer Morte aux confins du désert de Judée, impressionnant par les aménagements réalisés par Hérode (installations de citernes et systèmes d’adduction d’eau) et lieu emblématique de l’identité culturelle juive : après la chute du temple, en 73 après JC, 960 israeliens ont décidé de se donner la mort pour échapper à l’esclavage romain.
Qumran
Qumran, des fouilles qui nous font remonter jusqu’au troisième siècle avant Jésus Christ. Y a été retrouvé entre autres les rouleaux des textes d’Isaie, le plus ancien manuscrit hébreu complet.
Mer morte
Expérience ludique et unique de «flottaison» sur la mer Morte, dont le devenir est préoccupant, le niveau baisse de 1 m tous les ans et d’énormes travaux de construction d’un canal venant de la Mer Rouge démarrent.
Jéricho
De Jéricho nous retenons six dimensions :
-une vraie ville oasis après des km de désert (cailloux, sel, soufre…) et de chaleur. La luxuriance de la ville saute aux yeux (eau, fruits)
-une ville impressionnante car c’est la ville la plus basse du monde à -300 m par rapport au niveau de la mer méditerranée, c’est aussi quasiment la ville la plus ancienne du monde ;
– une ville musulmane avec cependant le couvent des franciscains face à la mosquée et tout proche d’une église byzantine. Pendant la célébration de la messe, au moment de la consécration a démarré l’appel du muezzin à la prière ! pas si habituel pour nous !
– l’épisode des trompettes de Jéricho (josué 6,1-20) nous rappelle que cette ville a été la première livrée aux hébreux à leur entrée en terre promise ;
– la première que nous visitons où nous savons que Jésus a marché.
– c’est là qu’il a rencontré Zachée (luc,19,1-10) et Bartimée (Mc 10,26-42) qui le cherchent avec détermination. Et c’est parce qu’ils le cherchent que Jésus vient leur répondre. Seigneur, beaucoup te cherchent sans te voir. Aide-nous à te suivre.
Anecdote :
En discutant avec Richard, notre guide, nous apprenons qu’on fabrique de la bière en Palestine
(alors que la région est à large majorité musulmane).
Il s’agit de la bière de Taybeh (Ephraïm). C’est le seul village où n’habitent que des chrétiens (1500 personnes).
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[tab title= »Une vie cachée« ]
Notre périple nous fait longer le Jourdain depuis la Mer Morte, mais rien à voir avec le grand fleuve que l’on peut imaginer ! Juste une occasion pour évoquer Jean Baptiste, le sens du baptême de Jésus.
Et l’occasion de voir se renforcer les contrastes pressentis : à gauche (du bus) le désert le plus sec et aride, à droite les étendues d’arbres fruitiers, de plantations de légumes, que les israéliens, en véritables pionniers, font pousser sur d’anciens marécages, au prix d’une innovation et d’une détermination sans bornes, déployées dans les kibboutz. Il y a aussi le check point au milieu du trajet qui marque la séparation entre les paysages.
Quel étonnement à voir de loin un Nazareth étendu, une véritable ville, vivante, toute blanche, qui grimpe le long des collines. Et au cœur de la ville, nous sommes frappés de voir que tous les vestiges du temps du Christ appartiennent à un minuscule village troglodyte qui devait abriter de l’ordre de 200 habitants, soit une quinzaine de familles.
Que cherches-tu ? Il n’y a en fait rien à voir !
Des centaines de milliers de pèlerins viennent du monde entier, et ce depuis 2000 ans. Et pour voir quoi ?
Un endroit où une jeune fille, Marie, a entendu un ange lui parler !
Et nous aussi, on y a été !
La basilique de l’Annonciation, immense, avec un dôme surmonté d’un fanal toujours allumé, est construite sur la maison de Marie, juste quelques pierres d’une habitation troglodyte, dans une pénombre suggérant l’humilité de l’incarnation. Les murs des enceintes sont tapissés d’immenses représentations de Marie provenant de plus de 250 pays qui montrent comment la jeune fille de Nazareth est devenue la mère de tous les peuples.
Nazareth est un signe de la vie ordinaire de Jésus, ces 30 ans pendant lesquels il ne s’est rien passé. C’est ce qui inspirera Charles de Foucauld dans son mode de vie à Nazareth pendant 3 ans puis au milieu des Touaregs à Tamanrasset (comme l’a beaucoup souligné le frère Marcos de l’ordre des petits frères de Jésus caritas lors de notre rencontre du soir).
30 ans en dehors des routes, dans un petit village très pauvre et sans aucun intérêt.
« De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ? (Jn 1, 46) »
Nous aussi, nous avons à mener nos vies ordinaires, avec nos petits moyens mais avec confiance.
Nazareth, c’est aussi le lieu du premier signe de Jésus à Cana, ville voisine :
nous avons vu de nos yeux, alors qu’hier les visites étaient fermées suite à des violences, une jarre, ou plutôt une cuve énorme en pierre, intransportable. C’est dans une jarre toute semblable que Jésus transforma l’eau en vin en signe de la Nouvelle Alliance, occasion pour les couples mariés de se souvenir que Jésus sanctifie leur mariage et leur donne les moyens de remplir leur jarre.. et qui donne lieu à la vente d’un vin doux délicieux !
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[tab title= »Prends ta barque« ]
Au confort déjà éprouvé dans le premier kibboutz, nous ajoutons à nos bungalows la beauté du paysage donnant directement sur le lac de Tibériade (mer de Galilée) : féérique, même si le niveau est bien plus bas qu’à l’habitude ! Premier RV pour monter dans une barque (qui est plutôt un bateau) :
la bonne humeur est là, le temps est beau, la température toujours clémente 26°, la mer est calme : pas de tempête à l’horizon ! Les photos en figures de proue se multiplient.
Au milieu du lac, arrêt dans le silence et la beauté des lieux : immédiatement le recueillement s’installe pour écouter les textes et méditations quotidiennes préparées à tour de rôle :
–« Venez à ma suite, je vous ferai pêcheur d’hommes » (Mt 4,18-22) : Père Guy nous rappelle que la mer symbolise les forces du mal : le texte prend un sens nouveau.
-Mc 4,37-41 C’est la tempête, «Jésus dort, sur un coussin à l’arrière ! » (coussin du timonier qui tient la barre)…
« Maître, nous sommes perdus ! Cela ne te fait rien ? » Ici c’est le parallèle avec la Pâque qui nous est donné à méditer : le sommeil image de la mort, la barque image de l’Église, l’attitude de Jésus qui en imposant le silence à la mer annonce sa résurrection et nous fait rentrer dans une lecture renouvelée dans les pas de Jésus.
Sur l’autre rive du lac, c’est la multiplication des pains qui nous interpelle dans notre mission, notre foi pour faire avec les quelques pains et poissons dont on dispose.
Voir la maison de Pierre à Capharnaüm si près de la synagogue nous fait imaginer sans peine Jésus faisant à peine quelques pas pour aller guérir la belle-mère de Pierre.
Nous le touchons du doigt, nous voyons les paysages qu’il a arpentés… il devient encore plus présent !
Et nous l’imaginons enseignant la foule qui se presse pour l’écouter, sur le mont des Béatitudes
la messe face au lac de Tibériade nous émerveille
14h : départ direction le nord, vers le Golan et l’une des trois sources du Jourdain près de Césarée de Philippe. Là, Jésus est venu avec ses disciples au début de sa mission pour les envoyer et annonce une nouvelle fois à Pierre incrédule sa passion et sa mort.
La route toute droite se glissait entre les frontières du Liban et celle de la Syrie nous rappelant ainsi une actualité brûlante, nous voilà maintenant traversant un village druze dont est originaire notre chauffeur Youssef.
Nouvelle halte sur le Golan où nous découvrons les limites du territoire israélien, conquis en 1967, la zone tampon tenue par l’ONU et les premiers villages syriens situés au-delà et qui nous semblent si proches…
cousin de Youssef qui a été bien heureux de voir débarquer le car pour lui acheter de délicieuses dattes, kakis, clémentines et pommes…
Au retour, vers notre kibboutz, Sameh, en conclusion de la journée nous propose de prier Marie en récitant avec lui un dizenier trilingue (le groupe en français et lui en arabe et italien). Manière originale de louer le Seigneur !
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[tab title= »Écoutez-le« ]
A peine hors du lit, nous voilà tous rassemblés à l’aube à 6h30 pour une messe en plein air, face au lac de Tibériade. L’air y est vif mais l’ambiance recueillie.
Nous écoutons la parole de Dieu de façon plus incarnée en ayant sous les yeux le cadre dans lequel elle a été prononcée. Par la visite de ces lieux, Jésus se fait tout proche. Il nous invite à le laisser entrer dans nos vies et notre porte pourra peut-être s’ouvrir un peu plus pour l’accueillir.
A quelques km de là, au sud-ouest, nous démarrons l’ascension du mont Thabor. 3/4h de marche en silence, en chantant, ou en échangeant, jusqu’à la basilique de la Transfiguration.
C’est sur cette haute montagne, 588 m, que Jésus fut transfiguré devant ses trois apôtres, Pierre, Jacques et Jean et en présence de Moïse et d’Elie. La voix de Dieu dit alors : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le » Mt 17,5.
Dans le chœur une mosaïque représentant cette scène nous saisit par la beauté de ses couleurs or.
Au milieu des ruines de Césarée Maritime, découvertes dans les années 60 (théâtre avec orchestra, amphithéâtre, bains, aqueduc) se trouve une stèle attestant que Ponce Pilate a été gouverneur de la province sous Hérode, ce qui valide l’arrière fond historique qui transparait dans les évangiles.
Le soleil couchant (à 15h30 !) met en valeur les tonalités complémentaires de la pierre et de la mer.
Sous saint Louis, les croisés aussi ont laissé des traces de fortifications que Vauban n’aurait pas reniées et les premiers essais réussis de voute de style gothique ! Césarée Maritime est un port construit par Hérode pour donner un débouché sur la méditerranée donc vers Rome, aux caravanes venues depuis la mer Rouge. C’est ici que Pierre a pris conscience dans un rêve que le christ est venu non seulement pour les juifs mais aussi pour les païens. On associe aussi ce lieu à l’emprisonnement de Paul et au baptême du centurion Corneille.
A Bethleem nous franchissons le mur de séparation qui divise les palestiniens et les juifs, nous voilà du côté palestinien. Les sœurs du monastère de l’Emmanuel, de rite grec catholique oriental, sont installées contre ce mur. Rencontre étonnante avec une communauté de 9 religieuses dont la moitié a moins de 35 ans. Elles ont la mission d’être un pont entre église latine et l’église orientale, signe d’une présence chrétienne, témoignage de paix dans un pays déchiré. Elles sont lumineuses, d’un abord chaleureux et très simple, tout en elles témoigne qu’on peut être heureux au pied du mur.
Nous nous unissons à leur prière :
« Très Sainte Mère de Dieu, nous t’invoquons comme Mère de l’église, Mère de tous les chrétiens souffrants. Nous te supplions par ton ardente intercession de faire tomber ce mur, les murs de nos cœurs et tous les murs qui génèrent haine, violence, peur, et indifférence entre les hommes et entre les peuples …»
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[tab title= »Il est né ici« ]
Matinée au pays des grottes, Bethléem : aujourd’hui démarrage inhabituel et exceptionnel par les achats de souvenirs dès 7h30 dans une coopérative chrétienne. Tout près, le champ des bergers : en fait, un beau jardin à flanc de colline, accueille notre messe du matin dans une des grottes (2 m de hauteur de plafond).
Nous nous replongeons dans le récit de la Nativité (Luc 2,1-20) et bénéficions, un mois et demi en avance, d’une homélie de Noël où ancien et nouveau testaments s’éclairent réciproquement :
Dans une ville dont le nom signifie « maison du pain », dans la salle haute où un jour Jésus se donnera à manger, l’enfant-Dieu couché dans une mangeoire est le signe d’un Dieu qui se donne en nourriture.
Les bergers ne sont pas si marginaux que ça mais ils sont responsables de leur troupeau, comme Jésus qui est le bon berger.
Et le père Guy explique la figuration du bœuf et de l’âne en se référant à Isaïe « le bœuf connait son propriétaire, l’âne connait sa mangeoire, et mon peuple ne me connait pas ». Isaïe 1,3
La basilique byzantine de la Nativité est en pleins travaux, ce qui n’empêche pas la foule des pèlerins. Les encensoirs se mêlent aux échafaudages et cachent les icônes qui tapissent les murs.
La grotte de la naissance en aura surpris plus d’un, loin des représentations habituelles, avec deux anfractuosités : du côté orthodoxe le lieu de la naissance est marqué par une étoile d’argent incrustée dans du marbre ; du côté latin un renfoncement surmonté d’un autel signale la mangeoire.
Une autre grotte également sous la basilique, perpétue le souvenir de Saint Jérôme venu à Bethléem en 386, qui a traduit là la Bible de l’hébreu en latin, la Vulgate.
Rencontre avec le recteur du séminaire de Beit Jala.
Ouvert depuis 1896, il accueille des jeunes palestiniens au petit séminaire. Le grand séminaire forme des prêtres qui viennent de Palestine, Jordanie, Israël, pays du golfe et peuvent être envoyés dans tout le moyen orient.
La « Terre sainte » est parfois appelée chez eux le cinquième Évangile, car tout se passe « ici » et leur catéchèse se fait en regardant par la fenêtre. Mais le piège serait de se limiter aux pierres et aux vestiges, il s’agit aussi de voir des pierres vivantes, en rencontrant les chrétiens sur place.
Il nous éclaire sur la situation de la Palestine et les difficultés que connaissent les palestiniens. L’important est d’essayer de comprendre de l’intérieur et pas avec des généralités. Il souhaite vivement que l’avenir permette de rentrer dans un processus de justice, de paix et de réconciliation, dans cet ordre.
Les sœurs des filles de la charité de saint Vincent de Paul que nous avions soutenues l’année dernière pendant le carême, nous présentent leur « crèche-orphelinat ». Elles recueillent une soixantaine d’enfants abandonnés ou placés de 0 à 6 ans, dans le seul établissement de ce type en Palestine. Elles sont quatre sœurs et se démènent de façon admirable, totalement données à ces enfants dans un contexte tellement contraire que nous en restons sans voix et pleins d’émotion. Elles ont créé l’hôtellerie où nous sommes logés pour financer en partie cette œuvre, s’en remettant à la providence pour le reste, d’autant plus qu’elles emploient plus de 70 personnes.
Ces témoignages nous permettent de découvrir plus la vie de ce pays où il n’est pas facile d’être chrétien.
Seigneur, nous savons que rien ne t’est impossible, viens susciter des hommes de paix et de justice.
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[tab title= »Jérusalem!« ]
Nous découvrons Jérusalem dans les pas de Jésus, en nous rendant au Mont des Oliviers au petit matin. C’est ici-même, au Carmel du Pater, que la tradition situe l’enseignement du Notre Père par le Christ, nous voyons écrit cette prière dans toutes les langues de la Terre sur tous les murs.
Ce Lieu Saint est tenu par les sœurs françaises du Carmel et nous retrouvons avec émotion le portrait de Thérèse de Lisieux en même temps que nous entendons les sœurs prier et chanter l’office du matin.
Descendant vers Gethsémani («le pressoir à huile »), nous prenons le même chemin qu’avait pris Jésus quand il a été acclamé aux Rameaux. De là, nous pouvons admirer sur la colline d’en face, le site de l’ancien temple de Salomon, le temple que connut Jésus, et dont les fondations d’origine sont encore visibles sous l’enceinte édifiée ensuite par Saladin, abritant le Dôme du Rocher et la Grande Mosquée Al Aqsa (« la lointaine »).
Des cimetières juifs, musulmans et chrétiens, remplaçant progressivement les oliviers, s’étagent sur les pentes entre le Mont des Oliviers et l’Esplanade du Temple.
Nous apercevons la Belle Porte, par laquelle les Juifs attendent l’entrée du Messie victorieux dans Jérusalem. Elle a été murée par Saladin pour en empêcher l’entrée.
Nous apprenons qu’il est interdit aux Juifs par le Grand Rabbin de monter sur l’Esplanade du Temple, par ignorance du lieu précis du Saint des Saints qu’ils risqueraient de piétiner et par souci d’apaisement avec les musulmans.
Nous comprenons combien ce lieu « trois fois saint » est un point névralgique pour le monde entier… le lieu où la paix doit avoir lieu.
A Gethsémani, lieu de l’agonie où Jésus passe sa dernière nuit avec ses disciples qui peinent à veiller, nous sommes touchés par la ferveur et le recueillement dans une ambiance de clair-obscur. L’église est très belle, avec une magnifique mosaïque et des vitraux d’albâtre .
Au pied de l’autel, est vénéré le rocher sur lequel Jésus aurait veillé. Au dehors, nous apercevons un jeune olivier au milieu des arbres centenaires, c’est celui planté dernièrement par le Pape François .
Après avoir pris des forces dans un restaurant du quartier chrétien au pied des remparts, nous nous rendons sur la colline de Sion, ancien domaine des rois de Juda.
On y trouve le Cénacle, lieu central de la première communauté chrétienne où la tradition situe depuis des temps très anciens la Cène, la Pentecôte et la Dormition de la Vierge.
En effet la tradition considère que Marie s’est « endormie » au milieu des apôtres puis a été directement élevée au ciel ; c’est ce que représente le gisant de la Vierge dans l’église de la Dormition ( ou Assomption), tout près. Un autre lieu évoque la mort de Marie : le Tombeau de la Vierge, dans la vallée du Cédron, tout près de Gethsémani, tenu par les orthodoxes. Ce tombeau avait été préparé pour accueillir son corps qui n’y a donc jamais été déposé.
La messe est célébrée à St Pierre en Gallicante (« chant du coq »), lieu associé à la passion du Christ. On y évoque le repentir de Pierre, son reniement et les outrages infligés à Jésus , une grotte dans la crypte pourrait être la prison du Christ.
Toute la journée, nous croisons et recroisons d’innombrables groupes de pèlerins de toutes nationalités (notamment Bolivie, Bénin, Nigéria, Canada, Papouasie…), que ce soit à Gethsémani ou d’autres sites, ce qui illustre l’universalité de l’accueil du message du Christ.
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[tab title= »Passage« ]
La visite de l’esplanade des mosquées a été annulée, pour raisons de sécurité.
C’est la première fois que nous percevons concrètement que nous sommes dans une zone de tension. Certes, nous avions vu l’immense mur qui sépare Israël de la Cisjordanie. Mais tout semblait calme même à Cana.
Ce dimanche matin est donc « temps personnel » sous une pluie battante, la première du séjour, où les rues ruissellent à grandes eaux, mais pluies bienvenues dans ce pays qui a tant besoin d’eau.
Un groupe suit Père Guy dans les souks. Là on se croirait en Afrique du nord, à part que les échoppes proposent, à côté des mains de fatma, des étoles de prêtres et des chandeliers à sept ou neuf branches (neuf branches à l’approche de la fête juive de la lumière, Hanouka).
Un petit passage dans le quartier juif orthodoxe nous fait prendre conscience en quelques mètres que la vieille ville est un patchwork de quartiers très typés.
Père Guy qui connait Jérusalem comme sa poche, sonne à une porte de jardin, et nous fait rentrer dans l’École Biblique de Jérusalem, dans laquelle se trouve l’église Saint Étienne, tenue par les dominicains, là où a été traduite la Bible de Jérusalem. 3000 morceaux de manuscrits de Qumran sont gardés dans ce lieu saint français et déjà 80% ont été traduits et publiés.
Changement d’atmosphère pour le redémarrage de l’après-midi avec l’église Sainte Anne, une des plus belles églises de Jérusalem, très sobre et épurée, construite par les croisés.
Juste à côté, à la piscine Bethesda, Jésus fait scandale en guérissant le paralytique un jour de sabbat (Jn 5) non seulement physiquement mais aussi en le libérant de sa paralysie spirituelle puisqu’il attendait depuis 38 ans d’être guéri par des idoles.
C’est en s’attribuant un pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu que Jésus soulève la colère des autorités juives.
Nous sommes montés depuis la chapelle de la flagellation jusqu’au Saint Sépulcre le long de la Via Dolorosa en un chemin de croix de 14 stations. Nous avons cheminé en silence dans les ruelles au milieu des souks, des bruits, des marchands et des passants, sans nous laisser distraire :
un chemin de croix très priant malgré l’environnement.
A la 14 ème station nous voilà arrivés au St Sépulcre, et cela ne ressemble à rien de ce qu’on avait imaginé. A la place d’une colline isolée, nous nous trouvons dans une église encombrée : des recoins, des marches, des piliers, des murs qui coupent la nef, plusieurs messes célébrées en même temps dans des rites et des langues différentes, beaucoup de bruit, des files de gens partout… Et néanmoins dans ce même lieu sont rassemblés le Golgotha avec la roche qui a porté la croix où est mort le Christ et le tombeau creusé dans le rocher témoin de sa résurrection.
Ce chemin de passage de la mort à la vie, chacun de nous y est appelé pour, au delà de nos propres souffrances et de notre propre mort, ressusciter avec le Seigneur.
C’est ce que nous avons célébré dans une des chapelles avec les lectures de la messe de Pâques (Jn 20, 1-11) (deux jours après celle de Noël !). Les intentions de prière qui nous ont été confiées ont été déposées ici, sur l’autel, pendant la célébration.
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[tab title= »Racines« ]
Nous ne pouvons quitter ce pays sans essayer d’apprendre à connaitre le peuple juif.
Ce matin découverte de ses traditions : nous passons dans le quartier juif, la majorité des passants que nous croisons sont habillés de façon traditionnelle, en noir ;
à cette heure des pères avec leurs fils se hâtent pour prier au mur, on sent que la transmission a une grande importance pour eux. Sur chaque montant de porte on peut voir une petite boite contenant la Mezouzah, un petit rouleau avec un passage de la Torah.
Un passage au mur des Lamentations, lieu de rédemption, de prière, et d’espoir ou chacun peut accéder, qu’il soit juif ou non, nous permet d’assister à une bar-mitsva. Des jeunes Juifs du monde entier viennent ici avec leur famille pour ces célébrations de leur majorité religieuse. Cet unique vestige du Temple détruit en 70 permet de mieux comprendre ce que représente sa perte pour les juifs.
Une maquette de Jérusalem (au musée d’Israël) donne une idée du bâtiment au temps de Jésus, des épisodes tels celui de Jésus discutant avec les maitres de la loi à 12 ans (Lc 2, 41-49), enseignant (Mc 11, 18) chassant les vendeurs du Temple (Mt21, 12-17) ou annonçant sa destruction (Lc 21, 5-6, Mt 24, 2) ont maintenant un cadre.
Au musée d’Israël, plusieurs reconstitutions de synagogues, de nombreux objets profanes ou liturgiques donnent une idée de la vie quotidienne et de la prière de ce peuple. Les rapprochements avec notre propre liturgie sont évidents, arche de la Torah et notre tabernacle, Bêmha et ambon, coupes du Shabbat et calice…
On comprend mieux les paroles de St Paul : » le peuple juif est la racine de l’arbre sur lequel ont été greffés les rameaux de l’olivier sauvage que nous sommes » (cf Rm 11, 17-18).
Nous plongeons dans l’horreur de l’ histoire des juifs avec le mémorial de la Shoah, Yad Vashem, construit en pensant à la phrase d’Isaïe « pour tous ceux qui seront partis sans sépulcre, je bâtirai un mémorial et j’inscrirai leur nom (cf Is 56,5)» Ce Mémorial évoque les ténèbres mais aussi la lumière : l’allée des justes est plantée d’arbres en mémoire de tous ceux qui ont risqué leur vie pour sauver la vie des juifs. Puis vient le mémorial lui-même : une première salle avec les noms des différents camps de concentration et d’extermination : Dachau, Auschwitz, Treblinka… nous les connaissons par nos livres d’histoire mais ici ils résonnent autrement, près d’une grande flamme.
Le mémorial des enfants nous saisit aux entrailles quand nous entendons égrener comme une litanie, le nom et l’âge des enfants exterminés (1, 5 millions sur les 6 millions). Nous continuons à avancer dans l’horreur avec la beauté poignante d’une multitude de témoignages qui se succèdent et s’offrent comme en stéréo dans le silence des visiteurs, silence pour se recueillir, pour prier, pour être sûr de ne pas oublier. Horreur devant cette maquette des chambres à gaz : comment l’homme peut-il arriver à de telles monstruosités ? La barbarie, le mal… chacun sent naitre la volonté de faire en sorte que plus jamais cette haine n’envahisse le cœur de l’homme.
Notre journée se continue au monastère des sœurs de Notre Dame de Sion, à Aïn Karim, lieu de la Visitation et de la naissance de Jean-Baptiste. Imprégnés de notre visite au mémorial nous célébrons la messe en priant pour la paix.
Toute la mission de la communauté est dans son nom, nous dit sœur Anne-Catherine: Notre Dame pour Marie, et Sion pour Jérusalem. C’est une communauté très proche de la communauté juive, elle veut saisir des occasions d’être ponts entre juifs et arabes dans un dialogue respectueux, elle accueille beaucoup de groupes israéliens et aussi des groupes divers, cherchant ainsi à expliquer leur foi. Par des gestes simples elles s’engagent pour la paix : serveurs arabes pour servir leurs hôtes juifs par exemple. Sœur Anne-Catherine enseigne le judaïsme à l’université palestinienne pour de futurs guides touristiques. Là encore un petit bout de paix. Mais cette paix est fragile, pleine de paradoxes, elle peut aussi se vivre dans la souffrance comme cet été avec les alertes des missiles venant de Gaza. Leur présence est un perpétuel défi, pour concrétiser leur engagement elles essaient de transmettre de bonnes nouvelles de paix via leur site internet.(www.friendsofsion.il)
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[tab title= »Témoigner« ]
Dernière étape sur le trajet du retour :
le village arabe d’Abu Gosh qui pourrait être l’Emmaüs de l’évangile (Lc 24).
C’est une abbaye bénédictine fondée en 1976 par trois moines de l’abbaye du Bec Hellouin, elle est bâtie autour d’une église qui a traversé neuf siècles d’histoire, d’occupations et d’abandons, grâce à la qualité des constructions des croisés (avec des murs qui peuvent aller jusqu’à 4 m d’épaisseur !).
La mission donnée par le père abbé à l’époque était « Soyez à Jérusalem une présence cordiale. Votre clôture n’est pas le monastère mais le pays tout entier. »
Les frères sont aujourd’hui huit et les sœurs douze.
Frère Olivier, un des fondateurs, plein de joie de vivre, a présenté avec humour leur quotidien, dans lequel l’accueil a une grande importance.
Ces rencontres avec des groupes de toutes confessions et origines, dans lesquelles leur ouverture et leur écoute marquent leurs interlocuteurs peuvent favoriser petit à petit une amitié.
Ces chrétiens sont là artisans de paix, à la fois témoins et acteurs d’une possibilité de vivre ensemble.
Quelques impressions collectées parmi les pèlerins, étonnés par :
– la diversité des paysages dans un si petit pays (désert propice à la méditation, oasis conquises par la main de l’homme, régions cultivées avec une agriculture high-tech) ;
-la multiplicité de religions, y compris chez les chrétiens, qui font de ce pays une terre de juxtapositions complexes. L’immense majorité de la population veut la paix, mais certaines communautés sont en conflit avec d’autres, c’est à Jérusalem que c’est le plus frappant.
– les témoignages des religieux chrétiens, très conscients des problèmes mais pleins d’espérance, leur présence et leur action sont prophétiques. Cela interpelle sur la façon dont nous même accueillons les différences.
– la cohésion du groupe qui s’est construite rapidement, autour de ce vécu commun.
Le père Guy nous confie qu’il attend de nous qu’après ce pèlerinage nous fassions connaître la Parole de Dieu autour de nous et que nous la rendions «appétissante ».
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