Chrétiens dans le monde
La justice sociale
Edouard, pouvez -vous vous présenter?
Agé de 38 ans, je suis marié et père de quatre enfants de 11 à 1 ans. Ingénieur dans le secteur automobile depuis 15 ans et chez Renault depuis 10 ans, je suis référent sur le contrôle – commande des moteurs électriques pour les véhicules électriques et hybrides.
Pensez-vous que les chrétiens ont un rôle à jouer dans leur entreprise ?
L’entreprise est un lieu de vie sociale, d’épanouissement personnel par le travail, de fructification de ce qui nous est donné (talents, ressources). Mais il s’y vit aussi des enjeux de justice et de vérité où les chrétiens ont un rôle à jouer. J’ai maintes fois expérimenté que les milieux professionnels ont soif de l’espérance chrétienne, à travers des échanges personnels ou en partageant un regard chrétien sur les évènements. La doctrine sociale de l’Eglise est souvent éclairante pour discerner la pertinence des orientations et des décisions prises dans l’entreprise.
En ces temps où la crise a bon dos pour mettre une certaine pression sur les salariés et où la stratégie de l’entreprise n’est pas orientée vers le développement de notre industrie française, j’ai eu envie de m’engager.
J’ai rencontré au sein d’un syndicat chrétien des personnes qui réfléchissent à la situation de l’entreprise, aux moyens de progrès du bien commun. C’est une petite équipe qui agit de manière assez désintéressée, puisque nous sommes minoritaires au sein de la représentativité salariale, mais qui progresse et apporte sa pierre à l’édifice.
La justice sociale, comment la vivre au sein d’une entreprise ?
Le rôle d’un syndicat n’est pas toujours d’être dans une lutte stérile pour des intérêts particuliers, mais de décrypter dans les orientations et les priorités définies par les décideurs ce qui est bon et ce qui nous semble néfaste pour les hommes qui font l’entreprise, pour l’avenir de notre industrie. Nous pouvons promouvoir une autre vision des choses, défendre les intérêts des salariés pour rechercher un équilibre avec celui des investisseurs et actionnaires. Il ne s’agit pas tant d’un rapport de force, que de prendre en compte l’ensemble des réalités qui doivent participer d’une stratégie juste et équilibrée, d’une stratégie durable. Bien souvent, on pense qu’aujourd’hui les salariés sont bien défendus car les individus sont protégés (acquis sociaux, droit du travail). Mais « l’homme social » lui est en fait assez vulnérable dans l’entreprise, et les responsables usent souvent du « chacun pour soi » pour obtenir une certaine paix sociale, au lieu de vraiment œuvrer pour le bien commun. Parfois, les choix réalisés posent problème au niveau du sens même. Je pense par exemple aux « dispenses d’activités » qui consistent, puisque les systèmes de pré-retraites n’existent plus, à négocier avec les salariés âgés de renoncer à leur fin de carrière et étant donc payés à ne pas travailler… Notre rôle est de dénoncer de telles pratiques, en proposant à nos collègues une réflexion sur le sens du travail, et des propositions d’alternatives viables.
De même, des accords récents promettent une pérennité aux sites et salariés de France, mais sans engagement d’investissement là où l’outil industriel vieillit et où nous ne faisons plus aucun progrès de productivité depuis 10 ans. Nous ne devons pas accepter que le gain de parts de marché en Inde ou en Chine se fasse in fine au détriment de notre industrie française.
Je vis cet engagement par esprit de service envers mes collègues, pour mon entreprise, et pour mon pays. Je le vois d’abord comme un devoir vis-à-vis de nos enfants, car c’est de leurs emplois qu’il s’agit
Edouard Nègre